Ceux qui ont du mal à créer des liens
Beaucoup d’entre vous constatent ou se plaignent qu’ils n’arrivent pas à créer de véritables liens avec les autres gens, y compris ceux qui travaillent ensemble. Normalement, un groupe dans lequel on travaille vraiment devient une unité. Le lien entre les individus fait la force du groupe et renforce chacun.
Dans la vie, le premier type de personnes qui ont du mal à créer un lien sont les personnes trop égocentrées, puisqu’elles ramènent tout à elles. Le deuxième type de personnes qui ont du mal à créer un lien sont celles qui souffrent d’un problème psychologique ayant une trop grande influence sur leur relation aux autres. En réalité, ce n’est que de l’égocentrisme aussi, sous une forme aggravée par une perturbation psychologique. Dans le deuxième cas, on peut faire quelque chose : on peut considérer qu’une aide psychologique peut faire disparaître le problème. Mais pour ce qui est de la première catégorie, il est très difficile de transformer totalement quelqu’un qui est égocentrique, qui pense que le monde ne tourne qu’autour de lui.
Ce qui crée des liens
Qu’est-ce qui, dans la vie, vous permet de créer des liens ou conditionne les liens que vous avez avec votre conjoint, vos enfants, vos parents, ceux qui vous entourent dans le milieu social ou professionnel ?
Auditrice : Le dialogue, il me semble.
Ce qui crée un lien, c’est une activité commune, de préférence une activité qu’on a choisie ou qui a été décidée d’un commun accord, ne serait-ce que parler ensemble, qui est le début d’une activité commune et l’activité la plus simple qu’on peut avoir avec quelqu’un. Pour les autres activités, mieux vaut être d’accord. Si vous forcez quelqu’un à vous suivre dans une activité, vous créez aussi un lien, mais vous pouvez imaginer de quelle qualité il sera et quelles conséquences il aura. Ensuite, pourquoi avez-vous des activités communes avec quelqu’un ? Que fait-il pour vous ? Qu’est-ce que cela fait en vous ?
Gratifiant pour les traits
Auditeur : On a des affinités, ça nous fait plaisir ?
Avez-vous observé à quel endroit l’autre "vous fait plaisir" ou plutôt est gratifiant pour vous ? Il est gratifiant pour vous dans votre avidité, dans votre orgueil, dans votre vanité, parce qu’il vous admire, il vous aime, il vous complimente, il entretien vos illusions, etc. Ou bien il est gratifiant pour vous sexuellement, ou encore il est gratifiant parce qu’avec lui, vous n’avez plus peur. Ce qui veut dire qu’il vous nourrit d’une manière ou d’une autre dans vos traits négatifs du caractère. Ensuite, je me suis demandé si les gens créent quand même dans la vie ordinaire des liens d’une autre nature. Qu’en pensez-vous ?
Auditrice : Lorsque deux êtres souffrent d’une situation identique, ça crée aussi un lien.
Si la souffrance dont vous parlez entre dans le cadre de ce que je viens de dire, c’est un lien basé sur un trait. Or, ce qu’il est intéressant de découvrir, c’est un lien qui ne soit pas gratifiant pour un trait. Beaucoup de liens se créent à cause de la fausse personnalité. Si les Bretons, les Corses ou les Alsaciens se révoltent et veulent leur indépendance, parce qu’ils ne sont pas reconnus, parce qu’ils veulent être différents du reste des Français, leur action est liée au trait de l’orgueil. Par contre, lorsqu’un peuple est réellement opprimé - je pense aux Tibétains, à certaines ethnies en Afrique, en Turquie, en Irak, etc. -, le lien se tisse pour combattre l’oppression, à cause du besoin de survivre. Il est vrai qu’ensuite, on utilise l’orgueil, donc un trait de la fausse personnalité, pour renforcer encore la lutte contre l’oppression, c’est-à-dire que le patriotisme s’installe, devient de plus en plus fort et dure ensuite au-delà.
Activités pour développer la personnalité
Auditrice : Je ne vois pas comment des liens d’affection, d’amitié ou de sympathie peuvent être gratifiants pour les traits.
Dans un club de tennis, vous créez des liens de sympathie, mais d’autant plus vite si vous êtes un des meilleurs ! Où que ce soit, si vous êtes l’un des meilleurs, les liens sont beaucoup plus rapidement tissés avec tout le monde. À quoi est-ce dû, à votre avis ? À l’apparence, à l’image, à l’orgueil, à la vanité, etc. Pourtant, tous les liens ne se tissent pas à cause de la fausse personnalité, beaucoup de liens se tissent à partir de la personnalité : lorsqu’on fait des activités pour développer sa personnalité et pas sa fausse personnalité. Ce peuvent être des activités sportives, à condition qu’il n’y ait aucune concurrence, mais la comparaison, la compétition, se mêlent très vite à toutes les activités humaines. Les activités qui développent la personnalité sont les activités artistiques, les activités religieuses, les activités culturelles mais, même là, la fausse personnalité rattrape très vite le tout. Dans une chorale, il y a très rapidement des comparaisons, de la jalousie, de la vanité, etc.
Même les activités spirituelles sont récupérées
La plupart des activités, même lorsqu’elles ne sont pas au départ liées à la fausse personnalité, sont récupérées par elle. C’est vrai même pour les activités spirituelles. Normalement, on s’engage sur un chemin d’évolution pour dépasser sa fausse personnalité, au pire pour développer sa personnalité, et dans le meilleur des cas pour développer son être réel. Pourtant, regardez comment votre trait négatif essaie de récupérer tout ce que nous faisons. L’avidité, qui se jette sur les plats à peine sont-ils posés à table, la vanité qui veut prendre la parole ou ne la prend pas, l’orgueil qui se cherche la meilleure place, etc. Observez bien : si vos traits, et surtout votre trait principal, n’étaient pas gratifiés d’une manière ou d’une autre, vous cesseriez votre activité, vous n’iriez plus à votre chorale.
Le prix que vous êtes prêts à payer
Et regardez aussi le prix que vous êtes prêts à payer (et même que vous aimez payer) pour avoir ces gratifications. Toute votre vie tourne autour de cela, donc vous ne vous rendez même pas compte que vous payez chaque fois le prix de votre trait dans la plupart des choses que vous faites. Regardez combien de sacrifices vous avez déjà faits pour des gens que vous aimez. Regardez comme vous vous êtes déjà gâché la vie "par amour", en fait par avidité de l’affection de l’autre, de la reconnaissance de l’autre. Non ? Regardez comment vous travaillez à la sueur de votre front pour gagner beaucoup ou suffisamment d’argent, et combien d’ennuis professionnels, par exemple, vous prenez sur vous par avidité.
Si vous avez un partenaire sexuellement gratifiant, regardez combien de sacrifices vous faites, comment vous le supportez par ailleurs. Regardez combien de sacrifices vous êtes obligé de faire parce que vous avez peur, comment vous êtes obligé de chercher des protections pour ne plus avoir de peurs ou d’angoisses. Votre vie tourne autour de cela beaucoup plus encore que ce que vous imaginez maintenant. Cela signifie que, plutôt que vous libérer, vous préférez faire beaucoup de sacrifices pour que votre orgueil soit reconnu, pour que votre peur soit amoindrie, pour que votre avidité soit satisfaite. Même lorsque vous faites des activités pour former votre personnalité, c’est bien ce qu’il s’agit de comprendre.
On pourrait donner des caricatures : vous allez à la messe le dimanche - donc une activité religieuse - et le chapeau de la voisine devient plus important que le reste. Vos traits du caractère, votre orgueil, votre vanité, votre peur, votre mensonge, se mêlent constamment à ce que vous faites. Sauf lorsque vous êtes conscient de la chose, que vous la remarquez en vous et que vous faites en sorte, au moins, qu’elle ne se manifeste pas et qu’elle ne pollue pas les autres. On devrait se dire que pour une activité plus qu’ordinaire - culturelle, artistique ou religieuse -, on ne devrait pas mêler tout ce qui est lié à la fausse personnalité. Mais dans le domaine artistique, comme dans le domaine culturel ou le domaine religieux, les traits se mêlent tout le temps. Et pour quel résultat ? Le fanatisme et la compétition.
Dans les groupes
On pourrait imaginer que, dans le domaine spirituel, on fasse tout pour ne pas laisser les traits s’emparer de cette activité. Dans une activité qui est faite pour l’élément supérieur, pour l’esprit en soi, on devrait veiller à ne pas introduire tout ce qui est lié aux traits. On devrait veiller à ne pas les introduire dans nos activités d’ordre supérieur. Pourquoi, dans ses activités justement, peut-on ne pas arriver à tisser des liens ? Qu’est-ce qui vous en empêche ?
Auditrice : Parce qu’on ne fait pas ce qu’on devrait faire ?
Oui, parce que vous ne faites pas le minimum de ce qu’il faut faire. Nous avons vu que pour tisser des liens avec quelqu’un, il faut au moins parler avec lui, évidemment dans une forme de sincérité. Lorsque vous essayez de devenir intime avec quelqu’un, vous êtes obligé de parler avec lui. C’est ce qui crée de vrais liens. Les femmes se plaignent d’ailleurs souvent, bien plus que les hommes, de perdre le lien avec les gens avec qui elles vivent, surtout les hommes avec qui elles vivent, parce qu’ils ne parlent plus ensemble. La parole (sincère) est une des premières activités essentielles dans un groupe, quel qu’il soit. Ensuite, on veille à lutter contre la manifestation des traits négatifs du caractère. On ne laisse pas se manifester l’orgueil, contrairement à ceux qui, par exemple, ne racontent que ce qu’ils réussissent ; ou ceux qui ne supportent pas qu’on leur fasse la moindre remarque, ce qui est encore de l’orgueil.
On veille aussi à ne pas être dans la volonté de séduire les autres, hommes ou femmes, peu importe. On n’essaie pas non plus de les convaincre, ce qui est une forme de véhémence, donc de violence. Évidemment, on ne s’autorise pas le mensonge, soit en ne disant rien, soit en racontant des choses à moitié fausses. La peur, sous toutes ses formes, est un autre trait que vous verrez souvent se manifester dans un groupe. Beaucoup de gens ont peur de s’exprimer devant les autres, pour de multiples raisons. Certains ont tellement peur qu’ils ne vont même pas travailler dans un groupe.
Cherchez la manifestation des traits
Le travail que je vous propose aujourd’hui consiste à chercher, dans les groupes auxquels vous appartenez, partout où se manifestent les traits négatifs du caractère. Dorénavant, efforcez-vous de démasquer la manifestation des traits négatifs, en n’oubliant pas que chaque trait se manifeste dans les trois centres : intellectuel, émotionnel et physique. Si l’on s’en tient aux cinq traits principaux (l’orgueil, la peur, l’avidité, la violence, le mensonge), cela fait déjà quinze manifestations différentes.
Des comportements anormaux
Auditrice : J’ai compris que pour évoluer, il faut lutter. Donc, quand mon orgueil est blessé, ou quand je me sens agacée, énervée, etc., je me dis : "Ok, je vais lutter", parce que j’ai également copris que la lutte que je mène me permet juste d’accéder à un état normal, tout simplement humain. Ce qui veut dire que je me raisonne, j’utilise mon intellect, avant de passer à l’action.
C’est exactement ce que je dis : vous utilisez votre intellect, votre mental en fait, pour savoir ce qu’il y a à faire, et ensuite, vous le faites. Par ailleurs, ce que vous dites est très intéressant : la plupart des gens pensent qu’être normal, c’est être comme ils sont. Quand quelqu’un les agace, ils trouvent normal d’être agacé. Ils trouvent normal de mal réagir lorsqu’ils sont blessés dans leur vanité. En fait, ils trouvent normales toutes les émotions négatives qui polluent leurs relations aux autres.
Du point de vue spirituel, et même du point de vue d’un être humain qui raisonne sainement, les attitudes liées aux émotions négatives sont anormales, elles sont tout proches de la maladie. Vous avez déjà vu quelqu’un en colère : vous le trouvez normal quand il commence à hurler et à tout casser autour de lui ? Vous avez déjà vu quelqu’un qui a vraiment peur, caché dans son coin, replié sur lui-même, tremblant de tous ses membres, rougissant, mouillant le sol autour de lui tellement il transpire ? Vous trouvez que ce sont des comportements normaux ? Nous avons tous ces réactions, plus ou moins, mais quand je les décris en les exagérant, vous rendez-vous compte que ce sont des comportements anormaux ? Ils sont tous issus des émotions négatives et des traits négatifs du caractère, et ils sont tous liés encore à la nature instinctuelle, à la nature animale de l’être humain. Ce ne sont pas encore des comportements humains.
Devenez véritablement humains
Le premier travail à faire est de sortir de l’état animal et de devenir humain. Mais la plupart des êtres humains pensent que le fait d’arriver à penser et à réfléchir, ou d’être un peu civilisé, est suffisant. Ce n’est pas le cas. On est à un stade humain lorsqu’on arrive à dominer la manifestation des traits du caractère et des émotions négatives. Une grande partie du travail consiste en réalité à devenir simplement humain. Ceci correspond aux cinq ou dix pour cent du travail demandé aux hommes et aux femmes engagés sur le Chemin. Ceux qui réfléchissent savent qu’on ne peut qu’être désespéré devant tout ce qu’il y a à faire pour réellement évoluer. Mais quand on comprend qu’il y a peu à faire (cinq ou dix pour cent), à savoir devenir vraiment humain, on comprend que c’est vraiment le seul travail à faire et que le reste arrivera tout à fait naturellement parce qu’on s’est vidé de ce qui nous emplit habituellement : les émotions négatives et les traits du caractère. Quand on a libéré cet espace en soi, autre chose de supérieur peut entrer, qui représente les 90 % : le Divin, l’Absolu.
Alors, notre orgueil, notre vanité, nos peurs, notre avidité, nos mensonges, nos ressentiments, tout cela n’existe plus. Le fait de se comparer aux autres n’existe plus, la jalousie, la rancœur n’existent plus. Les soufis disent qu’il faut nettoyer le cœur, et quand on l’a nettoyé de toutes les émotions négatives, il est vraiment ouvert. Il est réellement ouvert aux autres et il est réellement ouvert à ce qui est de nature supérieure. Tout ce qu’un être humain peut ressentir, même de grand puisqu’il arrive parfois que des êtres humains fassent l’expérience de quelque chose de supérieur, est en réalité tout à fait fade. Ce n’est rien à côté de ce que peut vivre celui qui est arrivé au stade de la purification du cœur. C’est le travail que je vous propose et que je vous enseigne, et c’est la raison pour laquelle il est tellement important de s’observer, pour connaître les émotions négatives, les traits du caractère : les observer pour ensuite, petit à petit, les dépasser.
Passez maintenant à la pratique
Vous avez compris combien vous êtes manipulé par votre orgueil, par votre avidité. À quel point aussi vous manipulez les autres à cause de vos traits de caractère. Je vous donne le principe. Maintenant, vous devez observer des situations concrètes, précises. Sinon, encore une fois, tout restera théorique et vous n’irez nulle part. Voyez à quel point les traits du caractère sont une mauvaise stratégie pour arriver à votre but, trouvez le moyen de vivre plus sainement et de ne plus être manipulé par eux. Essayez de voir dans quel trait de caractère vous êtes et vous verrez plus facilement dans lequel sont les autres. Vous pouvez aussi commencer à regarder vraiment les autres et à démasquer leurs traits. Il ne s’agit pas de le faire globalement, comme de dire qu’untel est orgueilleux, qu’un autre est avide ou vaniteux, etc. Quand vous êtes avec eux, remarquez précisément ce qui se passe… et vous remarquerez davantage qui vous êtes vous-même.